Conférence par Florence Clavaud, conservateur en chef du patrimoine à la direction des fonds (Archives nationales), Marie-Françoise Limon-Bonnet, conservateur général du patrimoine responsable du département du Minutier central des notaires de Paris (Archives nationales) et Christine Nougaret, professeur (École nationale des chartes – Centre Jean-Mabillon)

Le raccourcissement des délais de communication des archives, suite à la loi de 2008, et la collecte d’archives qui en a résulté permettent l’accès à de nouvelles sources comme les minutes notariales de la Grande Guerre, matériau inaccessible jusqu’à ce jour aux historiens.

Le projet qui sera présenté lors de la conférence s’inscrit dans le programme de recherche du Centre Jean-Mabillon sur l’écrit parisien et par ailleurs dans une recherche sur les écrits du for privé ; il est également inscrit au programme scientifique, culturel et éducatif des Archives nationales (axe Expertise et Transmission, programme Numérique). Il concerne les testaments des Morts pour la France conservés au Minutier central des notaires de Paris.

Les résultats présentés sont la première étape d’une enquête plus vaste dans les fonds des notaires parisiens. Trois études ont été systématiquement dépouillées entre 1914 et 1922, apportant une moisson de 150 testaments, tous olographes. L’examen diplomatique de ceux-ci permet tout d’abord d’expliquer la procédure d’enregistrement de ces testaments, qui bénéficient de dispositions particulières liées au statut des morts pour la France et au cas complexe des disparus. D’autre part, l’étude du corpus met en évidence les spécificités formelles de ces testaments écrits dans le contexte de la mobilisation, du combat au front ou du retour temporaire à l’arrière : l’urgence de la situation se répercute sur les caractères externes et internes de ces documents. Enfin, l’examen du contenu des testaments permet d’y déceler la possibilité d’une mort imminente, sentiment bien présent dès le 2 août 1914, et qui interroge sur la nature du consentement général à la guerre, thèse encore dominante dans l’historiographie.

La conférence permettra également de présenter en détail l’édition critique, mise en ligne quelques jours auparavant, d’un échantillon significatif de ces testaments de Poilus parisiens, morts pour la France entre 1914 et 1922. Les 134 testaments retenus, dont le texte, encodé en XML/TEI, sera disponible en regard des images numériques, et accessible via divers dispositifs de navigation et deux index, permettront aux lecteurs de saisir le potentiel de ces écrits personnels pour approcher l’état d’esprit des combattants, alors que la perspective de la mort à la guerre est bien présente dans le secret de leur cœur.

Enfin, seront évoquées les suites que les Archives nationales et l’École des chartes entendent donner à cette première réalisation, dans le cadre d’une opération plus vaste impliquant l’Université de Cergy-Pontoise et les Archives départementales des Yvelines. L’objectif en est d’identifier, de numériser et d’éditer numériquement un nombre beaucoup plus important de ces testaments de Poilus, en faisant appel aux volontaires, à qui d’ici un an sera proposé un travail de transcription en ligne sur une plate-forme collaborative.