Pierre Loti, de son vrai nom Julien Viaud (1850-1923), officier de marine et écrivain, fut une des figures marquantes de l'exotisme littéraire, entre 1880 et 1910. Outre ses nombreux romans et récits ayant pour cadre les pays visités durant ses lointains voyages, il fit de sa maison natale à Rochefort une sorte de palais merveilleux, où se succédaient salon turc, chambre arabe, pagode japonaise, salle gothique, salle paysanne, mosquée, salle renaissance, chambre des momies, et salle chinoise ; une sorte de juxtaposition de folies et autres fabriques, chères aux jardiniers du siècle précédent.
Cette maison monde était moins une habitation qu'un théâtre. Loti y rejouait, effrayé qu'il était par la fuite du temps, les moments les plus heureux ou les plus étonnants de son existence. Il se mettait en scène, le plus souvent seul, parfois pour des photographes complaisants, ou à l'occasion de fêtes demeurées célèbres : dîner Louis XI, fête arabe ou fête chinoise. Selon la volonté de Loti lui-même ces décors n'étaient pas destinés à lui survivre ; ils pouvaient être détruits une fois l'acteur principal disparu.
Samuel, le fils unique de Loti, ne respecta pas la volonté paternelle. Il s'attacha à conserver la majeure partie des fantaisies décoratives de son père, à l'exception de la salle chinoise et de la pagode japonaise qui furent démontées et dont le contenu fut vendu. Un entretien, parfois très maladroit, permit de maintenir en l'état les ensembles orientalisants et historicistes visités par quelques rares privilégiés. L'ouverture au public, en 1973, qui suivit le rachat de la maison par la ville de Rochefort en 1969, année de la mort de Samuel, conduisit à des aménagements et rafraîchissements, pour certains fort discutables.
Après vingt années de visites intensives, sources de dégradations devenues exponentielles, une fermeture conservatoire de la maison, victime de son succès, était incontournable. Un chantier école de l'INP, en juillet
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2011, a pointé de façon irréfutable, à la fois la fragilité des décors et les multiples reprises dont ils ont fait l'objet depuis leur installation. Dans le cadre d'une restauration de fond, ce dernier point renvoie à la problématique de l'état à retrouver et, par là même, la nature des restaurations à entreprendre. L'équipe scientifique en est à ce stade de la réflexion. C'est la présentation de cette étape qui fait l'objet de la communication.

Intervention de Claude Stefani, conservateur des musées de Rochefort, enregistrée le 29 janvier 2016 dans le cadre du colloque « Mobiliers, ensembles, décors. Conserver, restaurer, faire vivre ».