institut national du patrimoine

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Retransmission audio des conférences de l'Institut national du patrimoine

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Retransmission audio des conférences de l'Institut national du patrimoine

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Les Turgot au travail : sciences et administration au temps des Lumières

Conférence par Alexis Douchin, chargé d’études documentaires au département des Archives privées des Archives nationales, et Loïc Charles, professeur à l’université Paris VIII, membre du Led/EA 3391 et chercheur associé à l’Institut national d’études démographiques
Entré aux Archives nationales en 2015, le fonds Turgot est constitué de dossiers et registres provenant des Turgot (du XIVe au XIXe siècle) et de familles alliées, ainsi que de documents relatifs aux biens qu’ils ont possédés.

Au sein de ce fonds, les papiers d’Anne-Robert-Jacques Turgot (économiste et ministre, 1727-1781) et de son frère Étienne-François Turgot (administrateur, 1721-1789) forment un ensemble original, unique et d’un intérêt exceptionnel. Ces archives permettent en effet de retracer non seulement le travail de l’administration et la carrière des deux frères, mais aussi leur activité personnelle et savante. Elles dévoilent leurs centres d’intérêt très divers (astronomie, physique, botanique, langues, lettres classiques et modernes, philosophie, etc.), leur travail d’écriture (documentation, plans, brouillons, versions successives des manuscrits), leurs réseaux et leurs engagements (correspondance).

Après avoir notamment évoqué les années de formation scientifique à partir de plusieurs documents inédits tirés du fonds, nous montrerons ensuite comment l’utilisation des matériaux manuscrits apporte beaucoup à l’étude de la genèse des travaux économiques du jeune Turgot. Nous mettrons notamment l’accent sur la richesse de certains dossiers du fonds, notamment celui de l’éloge de Gournay que nous présenterons de manière détaillée.

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1945-1947: des sciences de l’homme pour faire la paix, par Y. Potin, T. Hirsch, P. Joutard,

Conférence par Yann Potin, chargé d’études documentaires au département de l’Éducation, de la Culture et des Affaires sociales aux Archives nationales, et Thomas Hirsch, post-doctorant dans le cadre du labex Hastec/Archives nationales, et avec la participation de Philippe Joutard, président de l’association Lucien Febvre et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales / Aix Marseille Université, et de Brigitte Mazon, EHESS

A la faveur d'un dépouillement des archives des plus anciens versements du CNRS (Archives nationales, 19800284), pour l'immédiate après-guerre, un manuscrit de Lucien Febvre a pu être identifié au sein des dossiers et procès-verbaux de refondation du Centre national de la Recherche scientifique. Inédit et non signé, il apparaît comme la marque de l'insigne influence de celui qui avant la guerre avait été chargé par le ministre de l'Education nationale Anatole de Monzie de refonder une « encyclopédie » française, sur le modèle du précédent de Diderot et d'Alembert.

Dès septembre 1944, autour de la haute autorité scientifique que représente Frédéric Joliot-Curie, la recherche fondamentale se propose de refonder une France meurtrie dans un monde encore en guerre. Les blessures béantes de l'Occupation exigent aux yeux de tous le recours aux remèdes de la Science.
Il s’agit de redistribuer le savoir ancien en une dynamique nouvelle : ce qui va pour la première fois s'appeler « sciences de l'homme », dans une acception institutionnelle en France, répond en fait à une véritable volonté de réforme et de reformation du savoir de l'homme sur l'homme.
Pour la première fois, et de manière ambitieuse, l'Etat s'engage à financer une recherche fondamentale pour l'ensemble de sciences qui ne sont pas encore tout à fait mis à distance des sciences « dures ». Un débat sur la place du droit et de l'économie dans ce qui paraît être d'abord un conflit sur les termes – sciences sociales ou sciences humaines – traverse l'ensemble des discussions entre les membres du directoire : ces documents, sous la forme de véritable verbatim dactylographiés, offrent une perspective vivant sur les lignes de partages et les rapports de force alors en œuvre entre des disciplines qui ne sont pas toutes, loin s’en faut, représentées au sein de l'Université.

Au-delà de ce document unique, l'intervention proposera une présentation de ces premiers procès verbaux (dont le premier date de septembre 1944), dans une France encore en guerre, en vue d'étudier la reconfiguration ou la reconnaissance institutionnelle de « sciences » en gestation depuis le début du siècle (sociologie, ethnologie, mais aussi psychologie ou encore préhistoire). La place accordée à l'histoire apparaît éminente dans le propos de Lucien Febvre, au point de dessiner une voie singulière de la recherche française, où l'histoire se propose de couronner l'ensemble de ces sciences de l'homme. La résistance rencontrée au CNRS encouragera Lucien Febvre à viser la création en 1947 d'un institution autonome, la VIe section de l'Ecole pratique des Hautes études.

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Édition numérique de testaments de guerre de Poilus, par F. Clavaud, MF. Limon-Bonnet et C. Nougaret

Conférence par Florence Clavaud, conservateur en chef du patrimoine à la direction des fonds (Archives nationales), Marie-Françoise Limon-Bonnet, conservateur général du patrimoine responsable du département du Minutier central des notaires de Paris (Archives nationales) et Christine Nougaret, professeur (École nationale des chartes – Centre Jean-Mabillon)

Le raccourcissement des délais de communication des archives, suite à la loi de 2008, et la collecte d’archives qui en a résulté permettent l’accès à de nouvelles sources comme les minutes notariales de la Grande Guerre, matériau inaccessible jusqu’à ce jour aux historiens.

Le projet qui sera présenté lors de la conférence s’inscrit dans le programme de recherche du Centre Jean-Mabillon sur l’écrit parisien et par ailleurs dans une recherche sur les écrits du for privé ; il est également inscrit au programme scientifique, culturel et éducatif des Archives nationales (axe Expertise et Transmission, programme Numérique). Il concerne les testaments des Morts pour la France conservés au Minutier central des notaires de Paris.

Les résultats présentés sont la première étape d’une enquête plus vaste dans les fonds des notaires parisiens. Trois études ont été systématiquement dépouillées entre 1914 et 1922, apportant une moisson de 150 testaments, tous olographes. L’examen diplomatique de ceux-ci permet tout d’abord d’expliquer la procédure d’enregistrement de ces testaments, qui bénéficient de dispositions particulières liées au statut des morts pour la France et au cas complexe des disparus. D’autre part, l’étude du corpus met en évidence les spécificités formelles de ces testaments écrits dans le contexte de la mobilisation, du combat au front ou du retour temporaire à l’arrière : l’urgence de la situation se répercute sur les caractères externes et internes de ces documents. Enfin, l’examen du contenu des testaments permet d’y déceler la possibilité d’une mort imminente, sentiment bien présent dès le 2 août 1914, et qui interroge sur la nature du consentement général à la guerre, thèse encore dominante dans l’historiographie.

La conférence permettra également de présenter en détail l’édition critique, mise en ligne quelques jours auparavant, d’un échantillon significatif de ces testaments de Poilus parisiens, morts pour la France entre 1914 et 1922. Les 134 testaments retenus, dont le texte, encodé en XML/TEI, sera disponible en regard des images numériques, et accessible via divers dispositifs de navigation et deux index, permettront aux lecteurs de saisir le potentiel de ces écrits personnels pour approcher l’état d’esprit des combattants, alors que la perspective de la mort à la guerre est bien présente dans le secret de leur cœur.

Enfin, seront évoquées les suites que les Archives nationales et l’École des chartes entendent donner à cette première réalisation, dans le cadre d’une opération plus vaste impliquant l’Université de Cergy-Pontoise et les Archives départementales des Yvelines. L’objectif en est d’identifier, de numériser et d’éditer numériquement un nombre beaucoup plus important de ces testaments de Poilus, en faisant appel aux volontaires, à qui d’ici un an sera proposé un travail de transcription en ligne sur une plate-forme collaborative.

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Aux origines des Galeries historiques de Versailles, par E. Landgraf, V. Bajou et M. Deldicque

Conférence par Éric Landgraf, doctorant à Paris-Saclay et chargé d’expositions aux Archives nationales, Valérie Bajou, conservateur en chef au musée et domaine national des châteaux de Versailles et de Trianon, et Mathieu Deldicque, conservateur au musée Condé

Les "Galeries historiques du Palais de Versailles" constituent un ensemble de quatre volumes reliés, réunissant 411 lettres adressées par l’architecte Frédéric Nepveu, chargé du château de Versailles de 1832 à 1847, à M. Godard-Dubuc (1790-1873), directeur des Bâtiments de la Couronne au sein de l’Intendance générale de la Liste civile (1832-1848), du 26 juillet 1833 au 23 janvier 1847. Ces registres contiennent les relevés des 398 visites du roi Louis-Philippe et le résumé de ses ordres donnés pour la création des dites Galeries. Trois exemplaires en quatre volumes chacun sont connus à ce jour et conservés aux Archives nationales, au musée et domaine national des châteaux de Versailles et de Trianon, et au musée Condé du château de Chantilly. Les volumes acquis par les Archives nationales en octobre 2009 à Drouot sont une source d’archives remarquable qui témoigne par des esquisses annotées et de multiples modifications chiffrées, égrainant également les deux autres exemplaires, de l’importante organisation de l’Intendance générale de la Liste civile sous la monarchie de juillet.

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"Le Dit du Genji" dans le Japon du XVIIe siècle, par Véronique Béranger et Estelle Leggeri-Bauer

Conférence par Véronique Béranger, département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, et Estelle Leggeri-Bauer, maître de conférences au département de japonais de l’INALCO

Le Dit du Genji est un roman composé peu après l’an mil par une dame de la cour de Heian, au Japon. Il célèbre la vie et les amours d’un personnage fictif, le prince Genji, de sa jeunesse à sa mort, et décrit les rites, cérémonies, luttes de pouvoir et pratiques artistiques à la cour impériale. Considéré comme un texte majeur de la littérature classique, il est diffusé jusqu’au début du XVIIe siècle sous forme de manuscrits ; ses épisodes les plus marquants font l’objet de mise en images sous divers formats (rouleaux, éventails, paravents, etc.).

La conférence présentera une série d’albums contenant 200 peintures du Dit du Genji, datant du XVIIe siècle. Ils ont été acquis dans la deuxième moitié du XIXe siècle par le bibliophile Auguste Lesouëf (1829-1906), puis légués à la Bibliothèque nationale en 1913 avec l’ensemble de sa collection. Ce dernier, passionné de manuscrits à peintures occidentaux et orientaux, remarque la qualité de ces miniatures : elles témoignent pour lui d’une culture brillante et d’un passé aristocratique dont il veut garder les vestiges.

La composition des peintures se fonde sur les illustrations de la première édition illustrée du roman, parue au cours des années 1650-54 et réalisée par Yamamoto Shunshô ((1610-1682). Le succès de cette édition est notamment dû à ses 256 gravures en noir et blanc conçues par ce maître laquier, féru de textes classiques et de poésie. Cette édition est importante car elle est à l’origine de la diffusion du roman auprès d’un public plus large et parce qu’elle a servi de base à des manuscrits richement enluminés, témoignage du rôle joué par l’imprimerie dans le renouveau de la culture manuscrite au XVIIe siècle.

Aux côté des albums de peintures, sera présenté une édition imprimée de 1654 récemment acquise par la BnF. Ce sera l’occasion de redécouvrir les rôles respectifs de la xylographie et du manuscrit dans la diffusion des classiques du Japon au XVIIe siècle.